Table des matières
Après avoir vu comment définir la trajectoire, nous allons maintenant nous demander comment faire pour la suivre.
Dans cet article, nous allons étudier sommairement le fonctionnement des différents moyens de navigation, et l’on va voir que c’est un peu en faire l’historique, même si tous les avions légers ne disposent pas des derniers développements de la technique et naviguent toujours comme Mermoz (ou presque) !
LE COMPAS MAGNÉTIQUE
Le premier instrument de navigation a très certainement été le compas magnétique.
Ce sont les chinois qui, vers l’an 1000, utilisèrent les premiers un aimant pour s’orienter grâce au champ magnétique terrestre.
Il semblerait également que les oiseaux migrateurs se servent de ce champ magnétique terrestre pour leurs longs voyages…
Le compas magnétique se compose d’une rose des caps asservie à un aimant permanent.
Sous sa ligne de foi, on peut lire le cap magnétique suivi par l’avion, ou plus précisément ce que l’on appelle le cap compas. Ça semble donc l’outil idéal pour suivre, à cap constant, une loxodromie !
Mais le compas magnétique présente plusieurs défauts.
Tout d’abord, le compas magnétique étant essentiellement composé d’un aimant, il est sensible aux masses métalliques et aux champs électromagnétiques de l’avion, ce qui entache ses indications d’une erreur que l’on appelle la déviation du compas. Elle est mesurée périodiquement sur chaque avion par les services de maintenance et indiquée sur l’instrument.
Il faudra donc corriger la lecture du compas de cette déviation pour déterminer le cap magnétique réel.
De plus, sa référence n’est pas le Nord vrai, en direction du pôle Nord, mais un pôle Nord magnétique dont la position géographique n’est pas exactement celle du pôle Nord.
La différence entre Nv et Nm s’appelle la déclinaison magnétique Dm ou magnetic variation en anglais (VAR). Sa valeur, indiquée sur les cartes, est variable d’un endroit à l’autre du globe, et change progressivement d’année en année.
Elle est notée E ou W selon que le Nord magnétique se trouve à l’est ou à l’ouest du pôle Nord vrai.
Pour suivre, avec un tel compas, la route vraie Rv mesurée sur la carte, il faudra la corriger de la valeur de la déclinaison pour trouver la route magnétique Rm. Sur un parcours loxodromique un peu long, la déclinaison va changer. On devra donc faire évoluer la Rm pour rester sur la route. A l’inverse, si on garde une Rm constante, on ne suivra pas exactement la loxodromie.
Si la déclinaison est actuellement très faible voire nulle en France, elle peut atteindre plus de 20° dans certaines régions, à Terre Neuve, au Canada, par exemple, et même 40° ou 50° dans le nord du pays (34°W à Iqaluit) ! Dans ce cas, on ne peut pas la négliger…
Pour plus d’information à ce sujet, on peut se reporter à l’article sur les instruments de bord : http://www.flightsim-corner.com/aller-plus-loin/navigation/instruments-de-bord
Le compas magnétique s’oriente selon la composante horizontale du champ magnétique terrestre. Sa rose est maintenue à peu près horizontale grâce à un contrepoids ou avec un système à flotteur.
Dans les régions polaires, du fait de la forme des lignes de flux du champ magnétique terrestre, la composante horizontale devient très faible. On considère que lorsque cette composante horizontale devient inférieure à 6 micro teslas, les indications du compas ne sont plus valables.
Les zones géographiques correspondant à cette situation sont indiquées sur les cartes représentant ces régions.
FSX ou P3D ne semblent pas affectés par ce problème, et ne simulent donc pas la perte de validité du cap magnétique dans ces régions inhospitalières…
De plus, les indications du compas magnétique sont instables et sensibles à la turbulence. Quand l’avion est incliné, le capteur magnétique n’est plus horizontal ce qui perturbe la mesure. Par ailleurs, Le compas magnétique équipé d’un contrepoids est sensible aux accélérations.
De ce fait, ses indications ne sont valables qu’en vol horizontal stabilisé, ce qui le rend difficile à utiliser en virage et inutilisable pour guider l’avion au travers d’un pilote automatique par exemple.
LE CONSERVATEUR DE CAP
Pour remédier à un certain nombre des défauts du compas magnétique, il a été fait appel aux qualités du gyroscope. Celui-ci présente l’avantage de garder une direction fixe par rapport à l’espace absolu, ce qui présente des avantages et des inconvénients.
Le conservateur de cap, ou gyro directionnel, est doté d’un gyroscope à deux degrés de liberté (deux cadres) dont l’axe de la toupie est maintenu horizontal.
Contrairement au compas magnétique, ses indications sont très stables et il est parfaitement utilisable en virage. Par contre, il faut le caler sur une référence de Nord, le Nord magnétique, le Nord vrai ou le Nord grille. De plus, il faut le recaler souvent car il ne gardera cette référence de calage que quelques temps et ce pour plusieurs raisons :
- Tout d’abord, le gyroscope n’est pas parfait, il ne gardera pas éternellement sa direction par rapport à l’espace absolu : on appelle ça la précession mécanique qui dépendra de la qualité mécanique du gyroscope.
- Ensuite, la terre tournant sur elle-même, si l’axe du gyroscope reste braqué vers une étoile, par exemple (espace absolu), il va donc tourner de la même façon que les étoiles semblent tourner dans le ciel : c’est la précession astronomique. Sa valeur dépend de la latitude à laquelle on se trouve, et vaut 15° x sin L par heure, nulle à l’équateur mais maximale aux pôles. Elle fait tourner le Nord du gyro à droite dans l’hémisphère nord et à gauche au sud, et cela même si l’avion reste immobile au sol !
- Et si en plus on veut qu’il indique le Nord vrai (ou le nord magnétique à déclinaison constante), il faudrait aussi corriger la convergence des méridiens quand on se déplace sur la terre : c’est la précession carte !
Il est bien sûr trop compliqué de s’occuper de tout ça lorsque l’on fait un petit vol VFR ! Mais, il est bon de savoir que toutes ces précessions dégradent la précision du cap affiché par votre conservateur de cap. Lorsqu’elles sont dans le même sens elles s’additionnent, et on peut arriver à des valeurs importantes ! Il faut donc recaler le conservateur de cap très régulièrement. Généralement, on utilise le cap du compas magnétique pour recaler le conservateur de cap.
FSX, P3D et X-Plane peuvent simuler ces précessions à conditions que la fonction soit activée. Il faut donc, dans ce cas, recaler le gyro directionnel régulièrement…
LE COMPAS GYROMAGNÉTIQUE
Principe
On découvre ainsi que les qualités du gyro directionnel correspondent pratiquement aux défauts du compas magnétique et inversement. Il a donc été imaginé, tout naturellement, de combiner les deux pour concevoir le compas gyromagnétique.
Dans ce cas, le cap du gyroscope est automatiquement synchronisé avec le cap magnétique. Il n’y a plus besoin de recaler le gyro. Le capteur magnétique est une vanne de flux, installée le plus souvent en bout d’aile pour s’éloigner des masses ferreuses et des champs électriques, qui délivre une information de cap magnétique sous forme électrique et qui vient synchroniser le cap gyroscopique au travers d’un coupler compass. C’est le mode SLAVED.
Pour pouvoir utiliser ce compas gyromagnétique dans la zone 6 micro teslas, il est prévu de débrayer la synchronisation avec le cap magnétique : c’est le mode DG ou gyro libre, où le système fonctionne exactement comme un conservateur de cap. La différence est, quand même, que ce système étant plus sophistiqué et donc plus coûteux, le gyroscope est de bonne qualité avec une précession mécanique très limitée.
Le compas type POLAR PATH
On trouvait les formes les plus élaborées de ce système sur les avions longs courriers qui ont précédé l’arrivée des centrales à inertie.
Ainsi, les B707 ou les DC8 étaient équipés d’un système de compas gyroscopique de type Polar Path, qui permettait, en mode Gyro Libre, d’appliquer au gyro compas un taux de correction horaire. On pouvait alors suivre, à cap gyro constant, la map line de n’importe quelle carte, et en particulier les Mercator transverses ou obliques.
Mais pour ça, il valait mieux avoir à bord un navigateur chevronné, qui recalait périodiquement sa navigation par d’autres moyens tels que les moyens radio à longue portée, ou la navigation astronomique : une affaire de professionnels donc !!!
Les avions qui ont suivi cette première génération de jets longs courriers tels que les B747-100/200/300 ou les DC10 étaient toujours équipés de ce genre de système mais l’information de cap gyroscopique était issue du gyro d’azimut des plateformes à inertie INS.
Le coupler compass était toujours présent avec ses deux modes possibles SLAVED ou DG (cliquez sur l’image pour agrandir).
Le DC10 avait cette particularité, avec ses INS Litton 58, de délivrer un cap gyro corrigé de la précession mécanique (très faible, quelques dixièmes de degrés par heure) et de la précession astronomique, ce qui avait pour effet d’annuler la rotation de la terre. On suivait donc, à cap gyro constant, une ligne droite par rapport à la terre, c’est à dire une orthodromie.
Sur B747, les INS DELCO Carrousel IV ne présentaient pas cette particularité, et leur précession mécanique, qui était mesurée pendant l’alignement et stockée en mémoire, pouvait atteindre des valeurs très importantes, de l’ordre de 12°/h, ce qui ajouté à la précession astronomique pouvait atteindre jusqu’à 27°/h dans les régions polaires !!!
Une procédure de secours très compliquée permettait de connaître cette précession mécanique et, grâce à une fiche de spéciale, de calculer le cap gyro à tenir pour sortir de la zone 6 micro teslas, en secours.
On comprend mieux pourquoi il fallait faire un stage spécifique avant de s’aventurer dans de telles zones.
Quant au navigateur chevronné, il a été débarqué, bien sûr, avec l’arrivée des INS… c’est le progrès !!!
LA PRISE EN COMPTE DU VENT
Dans tout ce que l’on vient de voir, on ne s’est uniquement préoccupé que de tenir un cap, aussi précisément que possible. Mais la trajectoire à suivre c’est une route ! Et on ne peut évidemment pas envisager de ne voler que les jours sans vent !
Le triangle des vitesses
L’effet du vent est mis en évidence dans le triangle des vitesses : le vecteur de la vitesse par rapport à l’air est orienté suivant le cap et sa mesure correspond à la vitesse propre TAS.
En faisant la somme vectorielle avec le vecteur vent, on obtient le vecteur vitesse sol orienté suivant la route suivie. L’angle entre le cap et la route s’appelle l’angle de dérive.
Ce beau dessin est très facile à tracer sur du papier, nettement plus difficile à faire en vol ! Et surtout, il faut avoir une connaissance assez précise du vent.
Au niveau de la préparation avant le vol, les services météo fournissent des prévisions sous la forme de cartes de prévision des vents à différentes altitudes.
Des méthodes mathématiques précises, de calcul mental plus approché, ou l’utilisation de computers manuels ou électroniques permettent alors de trouver l’angle de dérive et la vitesse sol. On saura donc quel cap il faudra tenir pour suivre la route prévue, ainsi que la vitesse sol à laquelle on parcourra ladite trajectoire.
Voici, par exemple, comment calculer la dérive et la vitesse sol grâce au computer spécialisé ARISTO.
Mais il ne s’agit que de prévision ! Et tout le monde sait qu’il existe toujours une marge d’erreur, parfois importante, entre la prévision et la réalité…
Il a donc fallu trouver des moyens pour évaluer le vent subi en cours de vol. Et là, ce n’est pas très facile !
Pour la dérive, si on a la chance d’être en vue du sol, on peut l’évaluer à vue en observant des repères dans l’axe de l’avion : pas très précis…
Le dérivomètre
Le dérivomètre, en suivant un repère sol sur un réticule, permettait de mesurer la dérive… par beau temps et plutôt de jour et au dessus de la terre !!!
Pour la vitesse sol, certains dérivomètres (appelés cinémo-dérivomètres) permettaient également de l’évaluer…
Et puis il y a toujours le chronométrage d’un parcours qui permet de la calculer. Mais on voit tout de suite que la précision ne sera pas au rendez-vous, et même pratiquement impossible sur des parcours maritimes au long cours !!!
Un autre système, abandonné depuis longtemps, était employé sur mer pour déterminer le vent traversier et la dérive. C’est ce que l’on appelait la navigation isobarique, ou pression, ou au facteur D.
Il fallait disposer d’un radioaltimètre haute altitude capable de mesurer l’altitude réelle qui, comparée à l’altitude pression (facteur D) permettait de calculer la composante traversière du vent géostrophique (vent théorique) et donc la dérive… Encore une affaire de navigateur professionnel !
Des systèmes électroniques plus précis ont vu également le jour. C’est le cas du navigateur à effet Doppler.
Lorsque vous vous trouvez au bord d’un circuit automobile, le son produit par le bolide qui arrive change de tonalité lorsqu’il passe devant vous et s’éloigne : c’est l’effet Doppler qui fait que la fréquence du son émis par le mobile est modifiée par sa vitesse. Vous en avez peut-être été victimes sans le savoir puisque certains radars routiers fonctionnent sur ce principe !
Il a été utilisé également en aéronautique pour mesurer la vitesse sol des avions et, en combinant plusieurs récepteurs, pour mesurer aussi la dérive. L’instrument en haut et à droite indiquait la vitesse sol et la dérive.
Il était possible de le coupler à un totalisateur d’estime (en bas à droite) et le système pouvait alors être utilisé par le pilote automatique (DC8 UTA).
Mais la précision n’était, malgré tout, pas exceptionnelle, et la surface trop lisse de certains sols (mer calme par exemple) faisait perdre les signaux retour. La navigation se poursuivait alors avec les dernières valeurs mesurées qui étaient gardées en mémoire… !!!
AUTRES MOYENS DE NAVIGATION
On comprend donc qu’il fallait, à cette époque, disposer d’autres moyens pour recaler la navigation, au moins périodiquement, pour prétendre à une précision convenable…
Un des moyens de recalage les plus simples à mettre en place était, par analogie avec la marine, la navigation astronomique. Mais, à la différence des bateaux, la grande vitesse de croisière des avions, notamment les jets, va singulièrement compliquer le problème : un membre d’équipage était spécialement affecté à ce travail qui nécessitait une grande rigueur dans l’application des procédures.
Pour les avions pressurisés, on utilisait un sextant périscopique, pour avoir une vue panoramique au dessus de l’avion, équipé d’un système moyennant la mesure de la hauteur de l’astre pendant les deux minutes que durait la visée sur chaque astre.
Là encore, la précision était très relative, et ne permettait qu’un constat d’écart à posteriori, sans pouvoir anticiper sur la suite du vol…
Les moyens radio à longue portée
Mis à part les moyens radio classiques, VOR et NDB, qui pouvait être utilisés jusqu’à la limite de leur portée utile, environ 200 Nm, il existait des moyens longue portée qui permettait de recaler la navigation à l’estime.
Le Consol
Le Consol était un radiophare amélioré qui émettait dans la bande 250-350 kHz. Suivant la position de l’avion par rapport à la balise, on recevait un certain nombre de points et de traits de morse qu’il fallait compter, ce qui correspondait à des lieux de position tracés sur les cartes.
Une balise de ce type se trouvait en Bretagne, à Plonéis près de Quimper. Elle a été arrêté en 1970.
Le Loran
Le Loran (LOng RAnge Navigation) est un système de positionnement hyperbolique comprenant deux émetteurs, un maître et un « esclave ». Le positionnement se fait en mesurant la différence des temps de propagation du signal émis par les deux émetteurs, le lieu des points de même différence formant une hyperbole.
Les réseaux d’hyperboles des différents couples d’émetteurs étaient indiqués sur les cartes de navigation.
Plusieurs versions ont été développées : Loran A, Loran C, Loran E. Le Loran C est encore en service comme moyen de secours, pour les bateaux, en cas de panne du GPS.
Tout comme la navigation astronomique, l’utilisation de ces moyens radio à bord des avions nécessitait la présence d’un navigateur et, pour le Loran, du matériel de réception spécifique…
Mais comme pour la navigation astronomique, on ne dispose, là encore, que de moyens de contrôle de la position à posteriori, qui ne permettent que de recaler la navigation qui est faite, à priori, à l’estime, avec tout les aléas qui dégradent forcément la précision.
Le système OMEGA
Un petit mot en passant sur un système qui n’a fait qu’un bref passage dans l’inventaire des moyens radio à longue portée. Le système OMEGA, mis en place par l’armée américaine à la fin des année 60, en pleine guerre froide, fonctionnait sur le même principe que le LORAN, mais dans une gamme de fréquences beaucoup plus basses, la bande VLF (Very Low Frequency), aux alentours de 12 kHz.
Huit émetteurs permettaient de couvrir la totalité des océans du globe. Un seul se trouvait sur le territoire français, sur la côte ouest de l’île de la Réunion. La hauteur des mâts d’antenne, un peu plus de 400 m, en faisait souvent les constructions les plus élevées du pays…!
L’installation, à bord des avions, comportait un récepteur entièrement automatique et un CDU tout à fait comparable à celui des INS, dont on va parler juste après.
La précision nominale était d’environ 1,5 Nm, mais les problèmes de propagation dans cette gamme de fréquence pouvaient la dégrader sensiblement. Néanmoins, le système OMEGA était certifié comme moyen de navigation dans la zone MNPS de l’Atlantique Nord, en association avec un système INS.
L’arrivée des systèmes satellitaires comme le GPS ont très rapidement sonné la fin du système OMEGA pour l’aviation civile. Les frais d’entretien des stations au sol étant très élevés, il fut décidé de les arrêter en 1997.
LA NAVIGATION PAR INERTIE
L’idéal serait donc de pouvoir orienter l’avion pour qu’il suive directement la route choisie sans avoir besoin de passer par le cap, et de savoir mesurer la vitesse réelle par rapport au sol, et cela quelque soient les conditions du vol… !
C’est la navigation par inertie qui va apporter la solution.
Ce n’est pas une idée récente puisqu’un tel système avait déjà été utilisé pour guider des missiles, notamment les V1 et V2 allemands, pendant la seconde guerre mondiale. La difficulté était de réaliser des matériels suffisamment fiables et précis pour pouvoir être utilisés pendant des vols de plusieurs heures dans le cadre d’une exploitation de tous les jours.
Principe de fonctionnement
Le principe est de mesurer en permanence les accélérations horizontales subies par l’avion puis, en les intégrant par rapport au temps, une première fois on obtient la vitesse, et une seconde fois on obtient le déplacement à la surface de la terre.
Sur deux axes perpendiculaires :
- Mesure de l’accélération γ
- Calcul de la vitesse : v = γ t + v0
- Calcul du déplacement : x = ½ γt² + v0t + x0
Pour faire simple, l’accélération mesure le taux de variation de la vitesse : avec une accélération de 2 m/s/s ou 2 m/s², si la vitesse initiale v0 est de 7 m/s, une seconde plus tard elle sera de 9 m/s.
De même pour la vitesse qui mesure le taux de variation de la position. Si vous vous éloignez de votre point de départ x0 à une vitesse de 10 m/s, une seconde plus tard vous serez 10 mètres plus loin.
Si on indique au système, pendant la phase d’alignement, la position exacte de notre point de départ, et si on mesure les accélérations dans deux directions perpendiculaires, on pourra donc savoir en permanence dans quelle direction et à quelle vitesse on se déplace, et enfin où l’on se trouve. Ça n’est rien de plus que le principe de l’estime mais appliqué à des systèmes très précis.
La grande difficulté réside dans la précision nécessaire des accéléromètres, et dans leur positionnement par rapport à la terre. Pour ce dernier point, c’est à nouveau au gyroscope qu’il sera fait appel.
Les plateformes à inertie INS
Les premiers systèmes dédiés à l’aviation civile sont apparus dans les années 60.
Dans le système INS (Inertial Navigation System), deux accéléromètres A1 et A2, à 90° l’un par rapport à l’autre, sont installés sur une plateforme maintenue horizontale par trois gyroscopes G1, G2 et G3. Les accéléromètres ne mesurent donc que les accélérations dans le plan horizontal, les seules qui intéressent la navigation.
Il faudra trouver des solutions pour résoudre deux difficultés principales :
- maintenir la plateforme parfaitement horizontale pour ne pas mesurer des accélérations parasites
- orienter correctement les accéléromètres par rapport au nord. La solution retenue sera plutôt de déterminer par calcul leur orientation courante plutôt que de les orienter physiquement : c’est ce qu’on appelle l’azimut errant.
Les principaux constructeurs adoptèrent des approches un peu différentes pour obtenir la précision souhaitée dans la stabilisation de la plateforme.
Les Litton installées sur B707 ou DC8 et, plus tard, sur DC10 étaient équipées de gyroscopes extrêmement précis, une vraie mécanique d’horlogerie !
Delco, avec la Carousel IV qui équipa la plupart des B747 et Concorde, opta pour une plateforme tournant sur elle-même, à vitesse constante, et qui mesurait et corrigeait la précession mécanique de gyros nettement moins précis, comme on l’a vu plus haut.
La phase d’alignement permet de mettre la plateforme horizontale en détectant la pesanteur, et de calculer l’orientation des accéléromètres en détectant le vecteur rotation terrestre. C’est au cours de cette phase qu’il faut indiquer au système le point de départ de la navigation en insérant la position du poste de stationnement de l’avion.
Les centrales de navigation INS fournissent de nombreuses informations sur la navigation en cours :
Les appellations et acronymes peuvent varier d’un système à l’autre mais on retrouve à peu près toujours les mêmes données mesurées ou calculées.
Mais ce sont des mécanismes de précision très fragiles et très coûteux, aussi bien à l’achat qu’à l’entretien…
Les Systèmes STRAP DOWN
Le concept actuel dit « Strap Down » ou à détection d’orientation est apparu plus tard, avec les gyrolasers. Ces derniers émettent un rayonnement laser qui décrit un parcours fermé, triangle ou carré.
On mesure l’écart de position du rayon à l’arrivée ce qui permet de mesurer les mouvements de l’avion et donc d’en déduire sa position par rapport à la terre. Ce ne sont plus des gyroscopes qui stabilisent une plateforme mais des gyromètres qui mesurent les mouvements de l’avion.
Dans les IRS (Inertial Reference System), cette fois ce sont trois accéléromètres qui sont fixés directement dans un repère propre à l’avion.
Grâce à trois gyrolasers, les calculateurs sont capables, à chaque instant, de déterminer la position dans l’espace de chaque accéléromètre, et d’en déduire les accélérations dans le plan horizontal, et donc le vecteur vitesse sol et le déplacement à la surface de la terre.
Dans les deux cas, ces systèmes sont donc capables de diriger l’avion sur une trajectoire sol. Les données de base que sont le vecteur vitesse (route vrai + vitesse sol) et la position instantanée sont utilisées au sein d’un calculateur pour guider l’avion sur la trajectoire définie par l’équipage. Au début il s’agissait de systèmes autonomes capables de faire le guidage : Litton 51 et Delco Carousel. Pour les Delco, il y avait en plus la possibilité de mixer les positions et de faire des recalages de position à partir de DME.
Les Litton du DC10 et les IRS actuels ne font que fournir les éléments de base à des calculateurs AeraNav ou FMS qui gèrent la trajectoire de façon globale avec tous les systèmes disponibles.
La précision d’un système de navigation inertiel sera dépendante du temps écoulé depuis le début de la navigation. Elle peut atteindre 1 Nm/h en dehors de tout recalage.
Si une panne survient sur un système inertiel, même de façon très brève, la position instantanée est perdue, la machine ne sait plus où elle est !!! En protection contre les éventuelles pannes électriques, les systèmes inertiels sont équipés d’une batterie autonome.
Il existe également une fonction ATTITUDE qui permet de récupérer, le cas échéant, les informations d’attitude vers un ADI ou un PFD, et une information de cap gyro à utiliser comme un conservateur de cap, et donc à recaler périodiquement …
Dans cet ensemble de navigation, centrale de cap + centrale inertielle, le maillon faible restant était la mesure du cap magnétique toujours utilisé dans les procédures de départ et d’arrivée ou en guidage radar. Avec l’arrivée des plateformes Strap Down et la puissance croissante des calculateurs, l’idée a germé de se passer des vannes de flux et des compass couplers, ce qui fut fait dès l’Airbus A310, au début des années 80.
Mis à part le compas de secours, il n’y a plus aujourd’hui de capteur du champ magnétique terrestre. Les caps magnétiques affichés sur les écrans PFD ou ND sont issus du cap vrai mesuré par les IRS auquel on ajoute la valeur de la déclinaison magnétique stockée en Data Base. De plus, il existe un moyen (inverseur Norm/True sur B747-400) pour passer à un affichage du cap vrai pour naviguer dans les régions polaires. On peut certainement imaginer que dans un avenir pas très lointain on ne parlera plus de cap magnétique !
On atteint, avec ces systèmes, le but ultime du navigateur : pouvoir effectuer n’importe quel parcours en étant autonome, avec une grande précision, et ce quelques soient les conditions du vol. Et de plus, on navigue au plus court en suivant toujours une orthodromie !
NAVIGATION PAR SATELLITE
Impossible, de nos jours, de parler navigation sans évoquer le GPS, omniprésent dans nos vies modernes, que ce soit dans les voitures ou dans la plupart des smartphones !
Plus globalement, il convient de parler de GNSS (Global Navigation Satellite System), permettant de déterminer la position en utilisant une constellation de satellites. Deux systèmes sont aujourd’hui opérationnels :
- le système NAVSTAR GPS américain, plus couramment appelé GPS pour Global Positioning System
- le système russe GLONASS, pour GLObal NAvigation Satellite System.
Le projet européen GALLILEO, plus moderne et plus précis, a pris beaucoup de retard, et n’est donc pas vraiment opérationnel…
Tous fonctionnent sur le même principe : la mesure du temps de parcours des signaux émis par les satellites déterminent des lieux de positions sphériques.
L’interception de deux de ces sphères donne un cercle de position.
La réception d’un troisième satellite permet de déterminer deux points de position possibles.
En pratique, un quatrième satellite sera nécessaire pour obtenir une bonne précision dans la position et dans le réglage de l’horloge, et même un cinquième pour contrôler la cohérence du système.
La précision moyenne du GPS standard est de l’ordre de 15 m dans 95% des cas, ce qui représente 0.008 Nm, donc tout à fait suffisant pour des RNP (Resquested Navigation Precision) jusqu’à 0.3 inclus.
La plupart des systèmes embarqués n’utilise, en fait, que le système NAVSTAR GPS américain…
Dans le transport aérien, les systèmes de navigation satellitaire ne sont employés que pour recaler les systèmes de navigation autonomes, à inertie. Ils ne sont pas utilisés comme systèmes primaires de navigation mais comme moyen prioritaire de recalage, du fait de leur précision, et ce pour plusieurs raisons :
- les systèmes GPS et GLONASS sont des systèmes militaires dépendant directement des états propriétaires, qui peuvent donc les interrompre ou les dégrader à leur seule initiative
- certaines régions du monde sont mal couvertes (régions polaires)
- il existe des périodes où la redondance de réception des satellites est insuffisante pour assurer la meilleure précision.
Il est, d’ailleurs, toujours possible de désactiver le recalage des systèmes par le ou les GPS…
LE FMS
Initié il y a pourtant déjà bien longtemps avec l’AeraNav des DC10 qui date de 1971, on en est arrivé aujourd’hui à une gestion globalisée de la trajectoire grâce au FMS (Flight Management System). Sur DC10, on avait fait avec les moyens de l’époque : calculateur doté de 48 Ko de Ram, Data Base sur cassette à bande magnétique, pas pratique et très cher… d’où l’échec du moment. Mais les principes étaient là et ont été repris quasiment à l’identique aujourd’hui !!!
Sur B747-400, exemple présenté ci-dessus, le système FMS comprend 2 calculateurs FMC (Flight Management Computer) qui recueillent toutes les informations disponibles pour calculer les trajectoires horizontales (L-NAV) ou verticales (V-NAV), permettre une gestion fine de la consommation de carburant, parmi bien d’autres fonctions… et distribue ses informations à la fois sur les CDU et sur les écrans PFD et ND.
Pour rester dans le domaine qui nous intéresse aujourd’hui, la navigation horizontale ou lateral navigation LNAV, le FMS va utiliser en premier lieu les IRS qui fournissent le Cv, la Rv, la GS et la position instantanée. Les positions des différents IRS disponibles seront mixées pour avoir une position la plus probable (triple mixing), et celle-ci sera recalée par les moyens radio disponibles, au premier rang desquels on trouve aujourd’hui le GPS. Mais autant on peut voler sans GPS, autant on peut difficilement se passer d’au moins un IRS !!!
On peut se faire une idée de la précision des différents composants en observant le ND qui indique, dans l’exemple ici, que l’on est en Triple Mixing, IRS (3) et en recalage VOR DME (VD). En appuyant sur la touche POS du boitier de commande EFIS, on voit apparaître trois petites étoiles représentant les positions inertielles des trois IRS par rapport à la position du FMS symbolisée par le sommet du triangle, représentant le nez de l’avion.
Pour éviter des alarmes dues à de trop grands écarts de longitude, lorsque la latitude dépasse 84°N ou 84°S, la fonction triple mixing est automatiquement désactivée.
Si un ou deux GPS sont disponibles, on aura également leur position, en général accroché au nez de l’avion puisque c’est le moyen de recalage qui est privilégié.
Lorsque la latitude dépasse 88,5° N ou S, le recalage GPS, s’il est encore disponible, est automatiquement désactivé.
Le FMS du B747-400 n’est pas capable de gérer le passage à la verticale des pôles. Il est interdit de voler à une latitude supérieure à 89° Nord ou Sud.
On peut aussi être informé de la précision de la position sur la page POS 2/3 du FMS.
On y trouve notamment la position du FMC et sa source de recalage, ici le GPS gauche, la position IRS, ici la position Triple Mix (3), et la précision de la position, Actual Navigation Precision ANP évaluée ici à 0,05 Nm.
Sur la page POS 3/3, on peut connaître la position de chaque IRS et de chaque GPS.
En appuyant sur BRG/DIST, c’est l’écart en relèvement et distance par rapport à la position FMC qui sera indiqué, c’est à dire les valeurs qui positionnent les symboles sur l’écran ND.
On retrouve, sur la page PROGRESS 2, certaines des informations fournies par les centrales inertielles : le vent avec composantes de travers et dans l’axe ou le cross track XTK.
Les FMC permettent également de faire de la navigation de surface (RNAV) grâce à une base de données, ce qui permet de suivre des airways en construisant un plan de vol, des trajectoires de départ et d’arrivée SID et STAR, de faire des approches, des OFFSET, des attentes en hippodrome, etc…
En cas de panne des deux FMC, les MCDU permettent de faire une navigation de secours qui se rapproche de ce que l’on faisait avec les INS.
CONCLUSION
On voit que, petit à petit, on a réussi à s’approcher du système idéal, celui qui permet de naviguer dans n’importe quelle partie du monde, avec une précision de plus en plus grande, par toutes les conditions. Tout ceci a permis de sécuriser grandement le trafic aérien, mais aussi de réduire les espacements entre avions et donc d’augmenter la capacité des espaces aériens, et de palier aux déficiences des moyens radio de guidage terrestre. Les systèmes les plus modernes permettent maintenant de faire des approches avec des minima qui vont en s’abaissant de plus en plus.
Même si tout cela peut donner l’illusion d’une grande facilité ou que les cartes ne servent plus à rien, il est toujours utile de savoir comment ça marche et comment on pourrait s’en passer au cas où, par malheur, une panne interviendrait. C’était la modeste ambition de cet exposé…